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… 40 années d'Histoire,
de recherches et enfin d'une découverte (par David ADRIAN et Gérard
LORIDON
David ADRIAN :
J'ai été mis en
relation avec Gérard Loridon par l'intermédiaire de l'AHR.
Je connais bien l'Aquaped ( Non, Gérard, ça ne veut surtout pas dire
plongeur homosexuel !) Un camarade qui travaillait aux USA m'en avait
fourni la documentation commerciale, alors même que l'appareil fabriqué
par une entreprise américaine dénommée Aerojet Général, n'était plus
commercialisé depuis plus de vingt ans. Cette même entreprise commercialisait
aussi un autre appareil à pédales, qui avait, lui, bonne réputation
: le Minisub ( j'ai dans mes projets un appareil proche ). Un camarade
m'avait montré des photos d'archives du GERS sur les essais de l'Aquaped,
en piscine me semble-t-il ( pas de labourage des champs de posidonies
dans ce cas! comme nous le verrons plus loin.). Etant devenu par la
force des choses une sorte de spécialiste de la propulsion sous-marine
musculaire, l'analyse des documents montrait bien que l'Aquaped ne pouvait
pas marcher pour les raisons développées plus loin. Restait à en avoir
la confirmation par témoins. Henri me "connecta" donc sur
Gérard qui me fit le récit que vous allez lire en seconde partie.
Il m'a bien fait rire ! Et montrait qu'il ne gardait donc pas trop de
rancune contre cet engin de torture. L'Aquaped était amnistié pour violences
portées à militaire en service !
Voici, en bref,
mon histoire :
Je travaille depuis
quelques 13 ans sur le développement d'appareils sous-marins à propulsion
musculaire. J'ai aussi accumulé une documentation conséquente sur le
sujet.
Tout est parti d'une constatation, ruminée avec amertume pendant des
heures de plongées, sinon de souffrance, du nageur de combat que j'ai
été : Quand on palme, on dépense une énergie musculaire importante pour
atteindre une vitesse très réduite. Autrement dit, le rendement propulsif
de la palme est extrêmement faible. C'est relativement peu grave pour
le plongeur "vertical" de type plongeur de loisir ou plongeur
démineur, c'est très fâcheux pour le plongeur "horizontal"
à qui l'on demande de franchir des distances considérables sous l'eau.
Deux idées simples sont venues compléter cette constatation :
- Le mouvement de la cuisse qui pousse est le plus puissant du corps
( et inversement le mouvement de la jambe qui bat de haut en bas est
"faible" ).
- Le rendement propulsif de l'hélice est très supérieur à celui de la
palme, comparable à la roue à aube.
- En alliant les deux, on doit pouvoir augmenter considérablement sa
vitesse, à effort égal.
Cette idée, beaucoup
l'on eut. Voyez par exemple les photos, malheureusement de mauvaise
qualité, de Mr Dayde, inventeur, essayant son flotteur à pédales dans
la Seyne en 1926.
Il restait à la
valider en termes de performances mais aussi commerciaux.
Pour les performances,
il suffisait de tourner son regard vers les Etats-Unis, ou a été créé
en 1981, à l'initiative d'une Fondation, une course de petits sous-marins
"humides" biplaces à pédales et à hélices. Les premiers prototypes
dépassaient les 4 nœuds. Deux ans plus tard les 5 nœuds étaient dépassés,
et en 1985 les 6 nœuds étaient atteints. De toute évidence on atteignait
une limite. Par chance la plupart des équipes engagées venaient d'universités
américaines, et elles ont beaucoup publié. Cette documentation rassemblée
et classifiée, représente aujourd'hui la plus importante source d'information
scientifique, validée par des essais rigoureux, sur le sujet.
En ce qui concerne
la validation commerciale du projet, il fallait dès la conception penser
positionnement grand public, loisir de plage, économie d'échelles, et
simplicité.
Il m'a fallu environ
dix ans pour finaliser le Vélosubmarine, plus de 15 prototypes et 30
prototypes de la seule hélice.
Pourquoi cette difficulté ?
Tout apprenti marin sait que lorsqu'une hélice tourne dans l'eau, elle
génère deux effets pervers : l'effet de couple qui fait se pencher l'appareil
et l'effet de pas d'hélice qui le fait tourner au lieu d'avancer droit
(d'où les hélices contrarotatives de l'Aquaped).
Il faut donc contrer ces deux effets. Il faut, en plus, de la flottabilité
et de la stabilité (le ro - a, bien connu) sans oublier l'ergonomie
: Confort, ajustement aux différentes physionomies. N'oubliez pas que
l'utilisateur cible n'est pas nageur de combat mais Monsieur-tout-le-monde.
Le tout, bien entendu,
doit être contraint dans le cadre d'un modèle économique viable. Trop
d'usines à gaz géniales dorment en paix au cimetière des inventions.
Pas d'espoir de succès évidemment sans performance : Chaque proto et
chaque hélice est testée plusieurs fois sur base de vitesse, avec pour
objectif de doubler la vitesse des palmes à effort égal, objectif largement
dépassé puisque le Vélosubmarine atteint les trois noeuds, vitesse sous
l'eau qui vous arrache votre maillot de bain, sinon votre masque. C'est
aussi une vitesse limite sans carénage donc sans hydrodynamisme.
Un des morceaux
de bravoure du projet a consisté à mettre au point l'hélice, clé de
la performance. En effet une telle hélice, très lente ( 2 a 3 tours
secondes ), au pas très important, légère de surcroît pour ne pas faire
couler l'appareil, n'existe pas sur le marché.
Or pas de performance sans bonne hélice. Il a donc fallu créer de toute
pièce une hélice qui a une caractéristique : ses pales sont profilées
type ailes d'avion. Donc elle ne se contente pas de pousser l'eau vers
l'arrière, mais elle génère en plus une force propulsive du fait de
sa forme. Ce deuxième effet est beaucoup plus important que le premier.
C'est une des clés de l'étonnante vitesse du Vélosubmarine.
Beaucoup d'autres choses restent à dire et je pourrais écrire un livre
sur ce sujet.
Les promeneurs, badauds, baigneurs, habitants de Fabrégas, La Seyne
Sur Mer, ou était installée, sur le fond de la mer, la base de vitesse,
ont bien connu les prototypes. Je les remercie de leur bienveillance
quand ils me voyaient passer au milieu de leur partie de pétanque, en
néoprène, proto de Vélosubmarine sous le bras.
L'histoire de la propulsion musculaire sous-marine n'est ni écrite,
ni achevée : Cet été, le magasine " Hola" publiait la photo
d'un Anglo-saxon, qui se prétendait l'inventeur de la bicyclette sous-marine,
sur un engin assez redoutable et qui de toute évidence ne réunissait
pas la moitie des conditions énumérées ci-dessus!
J'aimerai beaucoup
voir et essayer un Aquaped, même si le récit de Gérard nous laisse anticiper
une expérience douloureuse. L'hélice (qui était je crois en fonte d'aluminium
) m'intéresse plus particulièrement. Même souhait en ce qui concerne
le Minisub d'Aerojet Général.
N'hésitez pas à me contacter sur info@velosub.com
Et puis, venez voir les étonnantes vidéos du Vélosubmarine sur www.velosub.com
Sachez que l'appareil est commercialisé et coûte 990 euros.
Par ailleurs, au-delà d'une certaine limite, on ne peut plus raisonnablement
travailler seul. Je cherche donc des partenaires, investisseurs, business
angels, distributeurs, etc.
Je remercie Gérard, pionnier de la plongée autonome, qui m'a proposé
d'être son binôme pour cette plongée très spéciale, et à qui, je vais
maintenant tendre la plume.
Je remercie aussi Henri, notre distingué Président, pour nous héberger
dans ces colonnes.
Gérard LORIDON :
L'Aquaped, oui,
j'ai connu et essayé cet engin. C'était je pense en 1956. Matelot des
Equipages (Mle 31254 T 54) je servais au GERS, comme plongeur, quand
je n'étais pas astreint à tous ces menus travaux que la Marine Nationale
exige, que l'on soit sur un navire ou à terre, mettant en pratique quelques
solides maximes destinées à faire de nous de parfaits hommes d'équipages.
Je cite au hasard :
- tout ce qui bouge, on le salue, tout ce qui ne bouge pas on le peint.
- Qui peut le plus peut le moins…
- Dans le même esprit, trop fort n'a jamais manqué
- Peinture sur m….égale propreté
Le tout émaillé de nombreux propos d'un humour réaliste tels que ces
motifs de punition :
- a quitté le bord à reculons, pour faire croire qu'il y rentrait
- a été surpris en train d'uriner par-dessus bord, en sifflant la Marseillaise
pour amortir le bruit de la chute
Et bien d'autres sujets qui nous occupaient largement l'esprit en dehors
de ceux plus sérieux qui retenaient largement notre attention, c'est
à dire les Plongées.
Car au GERS, on plongeait ferme, au sein de cet organisme prestigieux
sous les ordres d'officiers qui ne l'étaient pas moins.
Nous allons revenir à l'Aquaped, que j'ai quitté pour vous situer l'ambiance
de la Marine de l'époque, qui représente un élément nécessaire pour
une saine compréhension relative à l'anecdote des Essais de l'Aquaped
.Je souligne
donc la réputation du GERS, solide, reconnue, même et surtout à l'étranger.
Ce qui fait que, couramment il arrivait de tout les coins de la planète
des engins bizarres à essayer avec comme étiquettes de destinataire
:
Commandant COUSTEAU
Marine Nationale Française
Paris
France
A la réception à
l'état major, Rue Royale à Paris, on ouvrait même pas le colis, on se
contentait d'effacer Paris-France, et on ajoutait GERS, TOULON-Naval.
On y laissait même le nom du brave Commandant qui à cette époque avait
quitté depuis longtemps la Marine Nationale pour aller filmer le mérou,
à bord de sa Calypso, dans les mers du sud.
Donc un jour, arrive
cette longue caisse, que l'on nous demande d'ouvrir en salle de conférence,
au premier étage du GERS, et l'ont découvre un long tube rouge métallisé,
en forme de torpille, possédant à une extrémité deux hélices et à l'autre
une espèce de sanglage, avec, au centre un pédalier de vélo. Les deux
hélices tournent chacune dans un sens, créant sans doute un effet gyroscopique,
chargé de donner la stabilité de la course.
Beaux calculs théoriques, dont nous n'allions pas tarder à apprécier
les résultats… !
Le Pacha, Capitaine
de Frégate René Chauvin, après avoir reçu un avis plus que dubitatif
de Mr René Perrimond-Trouchet le Pharmacien du Gers, un fameux plongeur
et celui du Dr.Pierre Cabarrou prends la décision que nous les jeunes
plongeurs attendions tous à chaque fois, avec impatience :
" demain appareillage
à 9 heures avec la VP 771, voir photo pour essais et PV "
Le lendemain, nous
nous retrouvons mouillé, très certainement du côté de Porquerolles,
car c'était un endroit que le Commandant aimait bien…
Toujours passionné,
par tout ces engins nouveaux, j'avais hypocritement préparé mon matériel
et déjà enfilé ma Mutta di Gomma, ce qui fait que j'étais le premier
à recevoir l'ordre d'y aller :
- " Bon, Loridon,
je vois que tu es prêt et impatient, tu capelles, cet Aquaped sur la
plate forme arrière de mise à l'eau de la VP, tu plonges, juste une
petit tour et tu reviens nous dire ce que tu en penses….
…Bien Commandant ! "
La VP possédait
donc cette plate forme en caillebotis, à ras de l'eau, sur l'arrière,
sur laquelle on accédait par l'échelle de plonge. Je descends, capelle
mon tri-acier, et mes collègues, sous les directives du Second-Maître
Maurice PIOVANO dit Le Chef, entreprennent de me rendre solidaire de
l'Aquaped à l'aide de ces sangles qui tenaient à la fois du porte-jarretelles
et du support-chaussettes. Ce n'était pas facile, mais on y arrive.
Je me jette à l'eau,
protégeant mes parties viriles, premières au contact, tout droit, les
pieds devant, sans palmes, car devant faire évoluer cet ersatz de vélo
subaquatique à l'aide d'un pédalier, faisant tourner les hélices.
Arrivé rapidement,
sur le fond, entraîné par le poids de l'appareil, je me mets en position
horizontale, en appui sur les bras, je cale mes pieds sur les pédales
et tel Fausto Coppi, le campionissimo du Tour de France, je lance l'engin…et
là !
Propulsé par la double hélice, je fais un bond en avant de quelques
mètres et je sens que je perds la maîtrise de l'appareil, je redémarre,
me proposant tel un pilote de chasse, de faire du radada sur un magnifique
champ de posidonies.
A nouveau, perdant tout contrôle, je percute la planète, après avoir
ravagé, consciencieusement, une bonne vingtaine de mètres de phanérogames,
laissant derrière moi, une large traînée de matériaux divers en suspension.
Je m'arrête à nouveau,
je réfléchi, échoué sur le fond, tel un dauphin mort, immobilisé par
cet instrument fou. Je recommence plusieurs fois, le comportement de
cet appareil est complètement imprévisible et qui plus est inquiétant.
Cet outil agricole
fou, dans les algues, se transformait en engin de travaux publics sur
les fonds de sable, creusant des trous et des fossés de formes diverses.
La raison de cet
échec, vient du fait que la liaison plongeur -Aquaped est trop souple
et donc instable, et ne permets pas de gouverner.
Je remonte vers
la surface, et les derniers mètres parcourus, par hasard en position
verticale parfaite, l'engin, qui ne manque pas de puissance, me fait
jaillir tel une fusée Polaris, jusqu aux genoux (ou presque ) pour me
ramener illico au fond. Je ne m'angoisse pas, mais je commence à me
demander comment il va m'être possible de sortir, car si je vise l'échelle
de plonge et que je la manque, je vais me farcir, bille en tête, la
coque de la VP.
Alors calmement,
j'entreprends de larguer les supports chaussettes et autres porte-jarretelles
décrits plus haut…
En surface, le Pacha
et les officiers commencent à se faire du souci, devant mon immobilité
et les bulles qui remontent tout droit. Ils m'envoient donc un autre
plongeur, qui va m'aider à me débarrasser de mes bizarres sanglages
et remonter le sinistre Aquaped.
Sortie de l'eau, débriefing, avec un profil bas " oui, Commandant,
ça pourrait marcher, mais, le pilotage pas facile, ça avance, ça oui,
mais on ne sait pas trop où l'on va… "
Mes collègues rigolent
bien et l'un d'entre eux me dira après, devant le coup de Louzou,* réparateur,
au poste d'équipage : " ..quand on t'a vu sortir, comme une fusée,
et repartir, on s'est dit, la prochaine fois quand il va survoler la
VP, on l'abattra à coup de Mousqueton*…. " Ah ! les braves gens
!
Par la suite d'autres
vont essayer, en gonflant la bouée-Dumas, pour stabiliser l'ensemble
et maintenir le plongeur en position légèrement à monter, en Oxygers
aussi en gardant le sac légèrement gonflé, pour les mêmes raisons.
Ils partiront en vrille non contrôlée, continuant à se livrer à une
moisson anarchique de posidonies. Actuellement, on se ferait écharper
par quelques écolos distingués.
D'autres essais ont eu lieu, en piscine peut être, je n'étais pas là,
le pacha m'ayant largement accordée une " Soixante-douze+deux jours
de délais de route* ", pour mes essais volontaires.
L'outil fut remis
dans sa boite et renvoyé à Marine-Paris avec un rapport circonstancié,
qui ne devait pas être aimable, le Capitaine de Frégate CHAUVIN, commandant
le GERS, n'aimait pas, à juste titre, que l'on perde du temps sur des
essais d'engins qui n'avaient pas de vocation militaire.
Louzou
: terme celto-marin,
boisson inventée par Noé, citée dans la Bible… voir aussi Cambusard,
Gwen-Ru et pour les marins recrutés de la région Parisienne Gros qui
tache, Grimpe à l'arbre, Tisane de Bois tordu…
Mousqueton
: Fusil très
court, tirant au coup par coup, avec un recul brutal qui surprenait
les jeunes matelots que nous étions. Arme de Cavalerie donc normalement
en dotation dans la Marine Nationale de l'époque, où je l'ai vu figurer
au stand de tir, à côté du Lebel Mdle 1892, modifié 1926, à haute précision
de tir et grande puissance de feu.
Soixante
douze+deux jours de délais de route
: temps d'une permission qui comprenait trois jours de permission dite
de faveur, auquel on ajoutait deux jours de délais de route, même si
nous restions sur les plages de la Côte d'Azur, ce qui nous faisait
cinq journées qui n'étaient pas décomptées du temps des perm' réglementairement
imparties. Nous en profitions amplement, car notre Pacha, n'était pas
d'accord mais nous les accordaient toujours.